Karen, déléguée à la jeunesse
Bonjour. Je m’appelle Karen Fortin et je suis déléguée à la jeunesse au CISSS du Bas-Saint-Laurent. Pendant mes études universitaires, j’ai travaillé durant l’été comme monitrice dans un camp de jour pour enfants présentant des difficultés particulières, comme des troubles de comportement, une déficience intellectuelle ou encore la trisomie 21. Je crois que c’est grâce à ce travail que m’est venue la passion d’aider les adolescents, peu importe leurs difficultés. Pendant mes études au baccalauréat en travail social, j’ai fait mon premier stage d’observation aux services correctionnels du Canada. J’assistais un agent de libération conditionnelle dans ses différentes interventions auprès d’une clientèle au lourd passé criminel. Puis, j’ai fait mon deuxième stage à l’évaluation en protection de la jeunesse et j’ai alors beaucoup aimé apprendre à intervenir auprès d’adolescents qui ont des troubles sérieux de comportement. Après avoir été embauchée à l’évaluation en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse au Centre jeunesse du Bas-Saint-Laurent, j’ai eu la chance de faire un premier remplacement comme déléguée à la jeunesse. J’ai réalisé à ce moment-là que cet emploi réunissait plusieurs de mes intérêts sur le plan professionnel, c’est-à-dire les ados et leurs besoins particuliers, l’intervention en délinquance et la possibilité de les aider à mieux vivre en société.
Depuis 2010, j’effectue ce travail que j’adore et je m’implique au sein de mon établissement. Un délégué à la jeunesse a plusieurs fonctions, entre autres :
- Il produit des évaluations pour le DPCP ou la Cour;
- Il assure le suivi des jeunes faisant l’objet de mesures judiciaires. Dans ce contexte, il accompagne l’adolescent dans sa responsabilisation et sa réinsertion sociale. Il l’aide à modifier ses comportements, tout en s’assurant qu’il respecte les conditions qui lui ont été imposées.
Outre mon travail de déléguée, je collabore aussi avec mon équipe de soutien à la LSJPA à titre de coordonnatrice professionnelle. Cela implique de les guider au besoin dans leurs interventions, dans les concepts légaux, la rédaction des rapports prédécisionnels et l’utilisation des outils cliniques, mais surtout, d’accompagner les nouveaux arrivés dans notre équipe afin de faciliter leur intégration et leur apprentissage.
Je travaille aussi sur un projet novateur dans ma région que nous avons nommé « Démarche SENS ». Ce projet a été mis sur pied grâce à une subvention de la Fondation québécoise pour les jeunes contrevenants, dans un contexte de justice réparatrice. Également, dans le Bas-Saint-Laurent, nous appliquons depuis près de 30 ans le programme Intervenir tôt, qui prévoit une intervention rapide dans le milieu de vie d’un jeune à la suite de son arrestation. Ma région tente d’innover en matière d’intervention auprès des jeunes contrevenants, afin d’améliorer les services offerts à cette jeune clientèle dans le besoin.
Le travail de déléguée implique aussi un partenariat multiple et continu. Tout d’abord, lorsque c’est possible, nous travaillons étroitement avec les parents, qui sont souvent de précieux alliés. Collaborer est également essentiel avec mes collègues en réadaptation lorsqu’un adolescent est mis sous garde. Je travaille alors de concert avec mes collègues d’Équijustice, qui jouent un rôle de premier plan dans l’application de diverses mesures de réparation, notamment en lien avec les victimes. Aussi, nous entretenons d’excellentes relations avec nos partenaires judiciaires et policiers, ce qui facilite notre travail qui a pour but, entre autres, de responsabiliser l’adolescent face à ses actes, afin d’éviter toute récidive et de favoriser sa réinsertion sociale. Un proverbe africain dit qu’il faut un village pour élever un enfant, mais ça prend aussi un village pour guider un adolescent.
Ce que j’aime de mon travail, c’est la continuelle recherche du levier d’intervention qui nous permettra d’avoir un impact positif sur la vie d’un jeune. Le défi consiste à trouver la bonne approche, adaptée à chaque jeune qu’on rencontre. Notre travail comporte une bonne part d’évaluation, pour bien comprendre les besoins de chacun et la source du comportement délinquant, de manière à faire les interventions pertinentes, à offrir les services appropriés et à adopter une attitude qui convient à chaque situation. J’aime lire sur les différents problèmes que certains jeunes peuvent présenter afin de parfaire mes connaissances et je m’efforce de toujours mieux les comprendre pour mieux intervenir. Et surtout, j’aime profondément les adolescents; ils sont pleins d’espoir et porteurs d’avenir.
Dans notre travail, de nombreux enjeux prennent de l’ampleur, comme la cybercriminalité. Ce problème est de plus en plus courant et exige souvent de très longues enquêtes. À la suite du mouvement #MoiAussi, de plus en plus de crimes à caractère sexuel sont dénoncés, ce qui requiert une expertise plus spécifique au sein de nos équipes. Dans les plus petites régions, l’éloignement est aussi un défi de taille, notamment lorsqu’un adolescent est mis sous garde dans une autre région, car il devient plus ardu de préparer son retour dans la collectivité. Rejoindre les jeunes est aussi plus difficile : le bon vieux téléphone fixe ayant cédé la place au cellulaire, notre travail de surveillance est plus compliqué.
Être déléguée est un travail passionnant qui exige certaines qualités de base. Outre la formation initiale requise, il faut avoir une grande ouverture d’esprit, une excellente capacité d’écoute et d’adaptation. Il faut aussi croire sincèrement au potentiel de changement de chaque adolescent. La très grande majorité des jeunes veut faire partie de la société et y contribuer de manière positive. Un de nos rôles consiste donc à créer un lien de confiance avec chaque jeune pour l’amener à réfléchir, à se remettre en question et à se mobiliser. Établir une relation constructive peut devenir un puissant moteur de changement!