K.

K. – Bonjour. Je m’appelle K. et j’ai maintenant 19 ans. J’ai commis des voies de fait armées et des voies de fait causant des lésions corporelles il y a de ça un an et demi. J’ai fait l’objet d’accusations à la Chambre de la jeunesse; le juge a ordonné que je sois en probation pendant neuf mois et que je me soumette à certaines conditions, dont un suivi avec un délégué jeunesse.

À la suite de beaucoup de tensions dans une relation amoureuse, les relations avec ma famille se sont dégradées et celles avec mes amis se sont compliquées. Ça n’allait pas bien dans ma vie. J’étais plutôt influençable et je suis devenue impulsive; j’avais de la difficulté à gérer mes conflits avec les autres et à contrôler mes émotions. J’ai alors posé des gestes dangereux pour les autres. À la même époque, j’ai été expulsée de l’école. J’ai occupé quelques emplois à temps partiel.

Les premières rencontres de suivi de probation ont eu lieu en septembre 2022. Je me suis présentée assez opposante et revendicatrice; je me considérais alors comme la victime des événements. Ces rencontres n’étaient pas vraiment agréables pour moi au départ, parce qu’on abordait ma part de responsabilité dans les événements. Les discussions ont été assez longues avant que j’arrive à prendre du recul sur les faits et que j’accepte finalement ma part de responsabilité.

Ensuite, comme l’a dit mon intervenant, on a pu passer à autre chose et après discussion avec lui, j’ai repris de l’intérêt pour un retour à l’école. Il m’a présenté une intervenante de la formation aux adultes de la région qui est venue nous rencontrer. J’ai eu un bon contact avec elle. Je me suis inscrite et en quelques jours, j’avais repris mes études à temps plein tout en poursuivant un travail à temps partiel. J’ai appris à nouveau à faire confiance au gens et à accepter l’aide qu’on m’offrait.

Maintenant, je me connais mieux. J’ai reconnu chez moi certaines faiblesses auxquelles je dois porter attention. Il m’arrive de réagir avec exagération à certains moments, quand des sentiments de loyauté sont en cause. En prenant conscience de mes traits de caractère, je me donne une meilleure possibilité de contrôler mes émotions. En cours de suivi, j’ai eu parfois des relents et des désirs de me venger de la victime; après réflexion, j’ai compris que ce n’était pas la voie à suivre et je me suis concentrée sur mon projet de vie.

À présent, je vais beaucoup mieux. On m’a aussi aidée à apprécier mes forces et à développer mes capacités personnelles. J’ai de meilleures relations avec les autres et je m’exprime mieux en général. Je terminerai mon secondaire 5 dans quelques semaines et des défis intéressants se présentent de nouveau à moi. Je n’ai pas récidivé et j’entrevois maintenant mon avenir avec beaucoup plus d’optimisme.

INTERVENANT – La jeune fille qui s’était présentée à nous il y a plusieurs mois nous avait paru passablement désorientée. Elle n’avait pas de plan de vie et les derniers mois avaient été difficiles pour elle. Elle ressentait beaucoup de colère; parfois, elle perdait le contrôle de son impulsivité et elle avait abandonné l’école. L’adaptation sociale et l’évolution personnelle n’étaient plus au rendez-vous. Elle avait besoin de prendre du recul face à sa situation, de cesser de se victimiser et de reprendre sa vie en main, et c’est ce qu’elle a fait. Un peu d’écoute, un peu de soutien et quelques conseils lui ont permis de se relancer de façon formidable.

Je considère qu’elle a fait preuve de beaucoup de courage dans sa démarche qui lui a permis de mieux s’accomplir personnellement.

K. éprouve encore certains doutes quant à son droit à la réussite professionnelle et nous nous efforçons de la rassurer à ce sujet. Malgré ses erreurs de parcours, nous sommes convaincus qu’elle mérite de réussir, et nous sommes bien déterminés à l’encourager à prendre la place qui lui revient dans la société.

TÉMOIGNAGES DES ACTEURS SOCIAUX ET DES ACTEURS JUDICIAIRES

RECHERCHES

La délinquance chez les filles

La présence de jeunes filles dans le système de justice pénale pour adolescents est plus faible que celle des garçons, bien que leur nombre semble avoir augmenté au cours des dernières années (Bélanger et Ouimet, 2010). Plus grande vigilance de la population, changements sociaux dans la tolérance aux délits, moins de biais envers la gent féminine : les raisons de ce changement sont multiples et encore méconnues. Cependant, la fréquence et la gravité des crimes attribuables aux jeunes sont en décroissance depuis les vingt dernières années (Moreau, 2021). Depuis plusieurs années, la recherche scientifique a évolué dans la compréhension de la délinquance féminine. D’ailleurs, le terme « délinquance » a été remplacé par « troubles de comportement », car les problèmes des adolescentes se traduisent souvent par des gestes de rébellion et d’opposition bien plus que par des actes criminels. Les filles utilisent souvent l’agression indirecte, comme répandre des rumeurs, ridiculiser ou exclure une personne d’un groupe (Verlann et al., 2005). Celles qui commettent des agressions indirectes font face à plus de difficultés familiales et sociales, ont plus de problèmes émotifs (anxiété et dépression) et posent plus souvent des gestes de délinquance que les filles non agressives (Verlann et al., 2005). Des études montrent que la maltraitance pendant l’enfance est souvent associée à des symptômes de troubles de la personnalité chez les jeunes femmes (Scheffers et al., 2019).

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Références bibliographiques

Brisebois, R.-A. (2022). La délinquance juvénile : un bref portrait de la situation. Bulletin d’information, 17(1), Montréal: Institut universitaire Jeunes en difficulté (IUJD), CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal.

Dumont, A., Lanctôt, N. et Paquette, G. (2022). «I had a shitty past, I want a great future.»: Hopes and fears of vulnerable adolescent girls on the verge of leaving care. Children and Youth Services Review (vol. 134). Pays-Bas : Elsevier.

Scheffers, F., van Vugt, E., Lanctôt, N, Lemieux, A. (2019). Experiences of (young) women after out of home placement: An examination of personality disorder symptoms through the lens of child maltreatment. Child Abuse & Neglect, vol. 92, p. 116-125.